Concours Le Diamant

ARCHITECTESSaia Barbarese Topouzanov architectes
EMPLACEMENTQuébec, Canada
DATE2015
CLIENTExMachina

Équipe: Mario Saia, Dino Barbarese, Vladimir Topouzanov, Karl Robert, Alexie Gauthier-Bertrand, Hugo Duguay.

En 1878, en réponse à la vie sociale qui s’organisait à Québec à l’époque, la Young Men Christian Association confait à l’architecte Peachy le mandat de réaliser les plans et devis du premier YMCA de Québec, Place d’Youville. Le bâtiment a traversé le temps et malgré les transformations qu’ont subies ses façades, on leur attribue, à juste titre, une valeur patrimoniale qui en appelle la conservation. Sur l’ensemble du site où ont été érigés d’autres bâtiments appelés, eux, à être démolis, il faut aujourd’hui loger le Diamant.

L’écrin
Face à l’exiguïté du site, le programme, d’une densité remarquable, dicte la position de la salle de diffusion et du studio de création. Ces derniers forment le cœur du projet. L’architecte doit les enchâsser dans un écrin dont les parois extérieures intègrent et prolongent les façades de Peachy en même temps qu’elles se poursuivent en un dialogue avec la Place d’Youville, rues Saint-Jean et des Glacis. L’écrin en question n’est pas formé que de l’enveloppe du bâtiment, il englobe l’ensemble des espaces qui se greffent, de part et d’autre, à la salle et au studio de création. Dans ces espaces, un parcours se dessine, qui les lie entre eux et à la ville, par les vues qu’il dégage.

Les façades
Un rideau, un voile de verre et les façades héritées du bâtiment du YMCA composent les façades du Diamant. La pierre calcaire et le verre en sont les matériaux dominants. Côté des Glacis, ils forment un rideau dont le profil répond à la salle de diffusion. Ses plis s’écartent ou s’entassent au gré des vues qu’on veut dégager. Alors que les pans vitrés clairs sont généreux en regard des espaces publics, ils deviennent opaques en regard de la cage de scène, sauf près du sol à l’extrémité nord-ouest, alors qu’ils éclairent le salon vert en contrebas. Le profil du rideau rejoint la corniche de la façade de Peachy. Derrière les fenêtres de cette dernière se loge, au deuxième étage, le foyer de la salle alors qu’au premier, on retrouve l’usage commercial, tel qu’à l’origine, qui favorise l’échange avec la rue. Profitant d’une hauteur d’étage favorable, une mezzanine prolonge la fonction commerciale le long du rideau, rue des Glacis.

Un voile de verre remplace le toit mansardé et se dépose sur la corniche de la façade de Peachy. Il la coiffe de tout son long pour se poursuivre et former à l’est l’entrée du théâtre. Là il s’incline vers elle et reçoit la marquise et l’enseigne du théâtre, héritées de l’ancien Cinéma de Paris. Il dégage une paroi lumineuse qui attire le regard et annonce l’entrée. Par sa transparence, il dévoile le hall d’accueil. Le terme voile réfère à l’effet que produit la variation en transparence du verre, qui passe de l’opaque au clair, filtrant et infléchissant la lumière, tant intérieure qu’extérieure, de façon différenciée, et modulant les vues. Le jeu a cours autant dans le plan horizontal que vertical, en lien avec le parcours intérieur, qui sera traité plus loin.

En retrait des façades sur rues, les volumes des étages supérieurs se revêtent du même voile, ajoutant à l’économie des moyens d’expression. Le voile connote ici la légèreté de ces façades haut perchées, en vue d’alléger l’échelle des volumes dominants du projet par rapport à ses voisins immédiats. Au sommet de ces façades, rues Saint-Jean et des Glacis, le verre forme l’écran translucide de panneaux solaires qui viendront préchauffer l’air frais qui alimente les systèmes de ventilation du bâtiment.

Le parcours intérieur
Un parcours sillonne les espaces, depuis le hall d’accueil jusqu’au studio de création. Les portes d’entrée du théâtre s’ouvrent sur un hall de deux étages qui se poursuit jusqu’au foyer. Dans sa partie haute, il s’imbrique à ce dernier et offre en fond de perspective depuis le foyer, la paroi lumineuse, mitoyenne du Capitole. À partir de l’accueil, un escalier se déploie pour relier tous les étages jusqu’à celui du studio de création. À compter du troisième étage, son puits est entouré d’une cloison vitrée, à la fois pour restreindre les aires communicantes (au sens entendu en sécurité-incendie) et, au gré des heures du jour et des événements, pour restreindre aux usagers autorisés l’accès aux étages situés au-delà du foyer de la salle de diffusion.

L’escalier permet à l’usager quotidien, comme au visiteur occasionnel ou au spectateur invité au studio 1, de se promener dans les vastes volumes, de voir ce qui s’y passe. Coups d’œil sur
la place à travers une fenêtre, découverte d’un détail qu’on n’avait jamais remarqué, les sens et l’esprit y sont sollicités le temps du parcours. Un mur végétal, éclairé depuis les puits de lumière de la terrasse, s’accroche à l’escalier. On concédera qu’une bonne dose d’oxygène est requise pour en gravir les marches, mais on admettra aussi que l’exercice physique est une saine habitude.
À son aboutissement à l’étage du studio 1, le parcours ondule pour devenir plus ludique et mener à la terrasse, où il se poursuit. Bien campée dans la topographie de la Place d’Youville, la terrasse dégage aussi des vues plus lointaines, certaines pointées sur le dessin du plan d’ensemble. En partie végétalisée, la terrasse répond aux glacis verts des fortifications voisines. Avec le toit haut végétalisé du volume supérieur, la terrasse complète la paroi de l’écrin et offre aux occupants des tours voisines une vue toute civique sur cette cinquième façade soignée.

L’intégration

L’enjeu posé est que le Diamant ait son identité propre sur cette Place d’Youville, tout en s’y intégrant et en accueillant le patrimoine bâti dont il hérite. L’intégration patrimoniale dont il est ici question se situe dans une perspective élargie d’interprétation et d’échanges formels entre le nouveau et l’ancien, en similitudes et en oppositions (d’échelle, de matériaux, de couleurs, de modénature), et non dans une perspective de restitution intègre d’éléments qui ne sont plus. Ce serait le cas si on devait restaurer le bâtiment du YMCA, mais on construit le Diamant, en y intégrant des éléments de valeur du YMCA. Aussi le langage proposé déborde-t-il la seule référence à l’œuvre de Peachy. Si, par exemple, la métaphore du rideau de pierre et de verre paraît d’emblée faire référence au langage de scène, l’idée est d’abord dérivée de l’examen des motifs triangulés art déco de l’ancien Cinéma de Paris.

C’est aussi à l’éclairage au néon caractéristique de la marquise et de l’enseigne de l’ancien cinéma, à cette luminosité signalétique dans le paysage, que fait appel le voile de verre infléchi de l’entrée, marqué par une luminosité différente, interprétée, car il est transparent, à l’opposé de la façade opaque de l’ancien cinéma. L’intérieur rayonne et le parcours rejoint la Place. De là, de multiples parcours urbains s’impriment au gré des destinations. La Place y est alors perçue comme un parvis élargi du Théâtre. La position du Théâtre dans le tracé infléchi de la rue Saint-Jean est privilégiée. Les concepteurs d’origine de la marquise et de l’enseigne l’avaient compris.

Le foyer
Le foyer du Théâtre se superpose au commerce du rez-de-chaussée. Ces espaces sont cloisonnés par les façades restaurées du bâtiment de Peachy. La brique, récupérée du démantèlement des murs de maçonnerie intérieurs, constitue le revêtement intérieur de ces murs. Si techniquement ce choix redonne aux murs des façades leur aspect (et leurs propriétés) de maçonnerie massive, il relève d’abord de la volonté d’une lecture simple, qui souligne l’ampleur et la forme cintrée des ouvertures dessinées par Peachy. Un lambris de bois, constitué des planches débitées des éléments d’ossature de bois existants vient recouvrir le mur de la salle de diffusion et monte, avec l’escalier, jusqu’au studio 1, unifant ainsi les étages.L’intégration patrimoniale passe ainsi par la mémoire du lieu, tirant des éléments des périodes architecturales qui le constituent aujourd’hui, consolidant les façades du YMCA, mettant en œuvre des matériaux récupérés.

La solution fonctionnelle
Du point de vue du Théâtre Le Diamant, de sa fonction première, les lieux de création, de diffusion et de répétition doivent constituer la préoccupation première de l’architecte. Le foyer serait-il exigu qu’on parlera d’abord du spectacle qu’on a vu et de ce qu’il a provoqué en nous. À l’inverse, si la salle limite l’imagination du (ou de la) metteur(e) en scène, le vaste foyer ne rachètera pas la faute.Bien que l’importance du studio de répétition (# 2), localisé au sous-sol ne ressorte pas du programme, nous l’avons placé en mitoyenneté avec un local de rangement, de manière à sauvegarder sa flexibilité future. La cloison mitoyenne même pourrait être amovible d’entrée de jeu. Le studio de création (#1) s’allonge au-dessus de la salle de diffusion à partir du mur de l’axe F. C’est le mur qui franchit tous les étages, le mur de charges latérales du point de vue structural, le fond de scène du parcours du point de vue architectural. Cette position permet de dégager un foyer haut, qui donne sur la terrasse, et des coursives latérales à hauteur des passerelles techniques.La cage de scène de la salle de diffusion est bonifiée. En marge du Capitole, son volume n’est pas tronqué, en comparaison de celui proposé dans les études préparatoires. Gril et passerelles peuvent donc se poursuivre. Cela dit, l’honnêteté demande que nous mentionnions que cette possibilité dépendra des études de vent et des charges de neige résultantes sur le toit du Capitole en contrebas. Ultimement, l’intérêt fonctionnel serait de rendre le gril accessible depuis le monte-charge, ce que les plans ne montrent pas pour l’instant. Toute la structure des trois volumes clés, du point de vue acoustique, que sont la salle de diffusion, la salle de mécanique et le studio #1, a été conçue pour minimiser les connexions structurales entre eux et concentrer en des points névralgiques le traitement de la transmission sonore. Mentionnées à titre illustratif, ces préoccupations toute matérielles expriment notre approche qui consiste à penser l’enceinte qui soutient le travail des créateurs et artistes qui y développeront leurs idées, y montreront leur art avec la plus grande liberté d’action possible. Dans l’immédiat, la scénographie programmée est certes illustrée, de façon cohérente avec la structure et l’architecture. Mais il s’agit d’un canevas de travail, une avancée vers une solution en devenir.